Il m’arrive assez fréquemment
d’avoir des très vilaines envies. Notamment quand j’accomplie
une activité répétitive ou rythmique. Quand je cire le parquet, les meubles,
les chaussures. Quand je frotte les carreaux, la baignoire, les
assiettes. Quand je repasse du linge et plus précisément celle mon homme. Sans parler
quand je fais de la danse, du vélo et la gym. Voila, avec moi la vie
est simple et s'érotise facilement. Étrange sensation qui me
fait…rire. Avant tout intellectuellement. Parce qu’il y a de quoi alimenter le mythe de la ménagère qui prend son pied en
effectuant certaines taches. Bien que le rire dans ce cas peut
s’apparenter aussi à une névrose de conversion et exprimer selon
Otto Fenichel une déformation de l’émoustillement sexuel.
Cette idée (me concernant) me parait bien plausible et mon homme a
compris depuis longtemps la signification profonde quand je rie
bêtement. Au lieu de briser ma bonne humeur par une réflexion
désobligeante, il adopte un comportement de plus entreprenant.
Parfois commencé par des chatouilles. La gentille pique, il la sort
dans d’autres contextes :
Elle adore
repasser, isabelle. Elle arrête pas de rigoler…
Et moi je rajoute facilement une
couche :
Fallait pas ?
Pour le dire tout de suite, un rapport
entre fessée et vilaines envies ne me semble pas systématique. Il
se peut selon mes humeurs que je souhaite que mon homme s'occupe de
moi « en homme » sur le champs, comme il se peut que j'ai
envie d'être vilaine pour me gagner une correction. Pour chercher
des explications à ces phénomènes rien de plus simple. Concernant
la première configuration, il est bien connu que l'activité
rythmique musculaire provoque d'intenses émois que l'on constate dès
la prime enfance. Tandis que l'enfant ignore ce que lui arrive
subitement, l'adulte a dépassé l'ignorance tant qu'en cernant la
nature du phénomène tant concernant le remède. La deuxième
constellation n'est pas bien différente de la première. L'activité
rythmique a pris la forme d'un symptôme névrotique et sert à la
fois de défenses et de substituts d’activités masturbatoires.
Quelle idées aussi de décider sur un coup de tête de cirer toutes
les chaussures de notre ménage ? Effectivement la psychanalyse
permet de prendre conscience de la signification inconsciente d'un
acte, ce qui n’empêche pas de continuer à éprouver du plaisir.
Seulement on devient en quelque sorte observateur bienveillant de
notre propre comportement et on arrive à bien s'amuser de nos
petites incohérences.
J’ai discuté avec plusieurs dames
qui adorent être « vilaine » dans l’intimité avec
leur partenaire et ce petit mot ne veut rien dire de plus pour elles
qu’être active et mener la danse. En gros, un truc qui retourne
à :
Laisse-toi faire chéri !
Je suis peu étonnée que le mot
« vilaine » sort dans un tel contexte. A mes oreilles
c’est plus poétique qu’un autre, beaucoup plus utilisé et
commençant pas sal… et finit par ...ope. Le langage est
révélateur. Nous sommes loin encore d’une société qui admet
qu’une dame puisse se montrer entreprenante sans retenue et sans
recevoir en contrepartie un mépris verbal de pas mal de personnes.
Disons que nos mœurs récréatives auraient besoin d’un sérieux
lifting.
Il y a quelque temps lors d’un repas
entre amis une dame avait déduit à partir de mon faible monogame
qu’il me manquait des « vilaines envies ». Mon homme,
en train de boire tranquillement son café a failli s’étouffer.
C’était spontané et pas pour le moins joué. Le pauvre ! Il
a avalé son café à travers et moi en compagne de plus soucieuse,
j’ai eu peur pour lui. Puis un regard de plus hostile de ma part
envers la dame, responsable de l’état de mon chéri adoré. Un
méchant regard seulement, car je suis « trop bien éduquée »
pour laisser libre cours à ce qui me passe dans un tel instant dans
ma tête. D’habitude les gros mots ce n’est pas trop mon truc,
mais comme en d’autres domaines j’ai une grande facilité pour me
laisser aller, être vilaine dans mon langage perso. Pour mon homme le non-dit d’être
vilaine est tout autre. Confidence qui date du début de notre
relation et qui concerne essentiellement mes éventuels plaisirs en
solitaire et mes petites rêveries. En fait, sur ces points,
qu’est-ce qu’il est curieux. Je suis toujours épatée après
plus de 14 ans de vie commune comme le mystère de l’émoustillement
féminin le travaille.
Évidement je pourrais chercher une
explication à ses petites irrationalités. Mais je ne vois pas
l’utilité. Au contraire je fais bon usage de ses confidences pour
lui faire plaisir. Sans me forcer. Je me suis rendue compte qu’il
fait bon vivre dans son petit monde, bourré de clichés adorables et
j’y ai trouvé une place qui me convient. D’un côté je passe
beaucoup de temps à lui « confesser » le moindre
fantasme qui me traverse la tête. De l’autre côté, très
expérimentale de nature, je ne manque jamais d’idées pour
surprendre mon chéri. Active et toute au contraire de certaines
femmes qui décrivent un univers d’attente passive, j’aime
produire des frissons inattendus à mon chouchou.
Seulement ma morale intérieure n’est
pas toujours en accord avec des libertés que je me prends. Et le
fait de m’avoir comportée en « vilaine » la veille, se
traduit le lendemain matin parfois par des fortes envies de
discipline stricte… parfois par l’envie de recommencer aussitôt.
Il n’y a rien de systématique, mais l’une variante comme l’autre
enchante mon homme. Et moi aussi par la même occasion. Bref, on ne
s’ennuie pas. Peut-être une raison valable pour la longévité de
notre couple.