mercredi 17 octobre 2012

194 Bonbons amers ou l'art de discipliner son mari (Petite fiction distractive) 6



Mais après tout pourquoi cacher honteusement ce qui peut se vivre au grand jour ?

Alors ayant le sens pratique j'ai aussitôt exigé de la part de mon mari pour se faire pardonner et comme preuve d'amour de m'offrir un tel bijoux et par dessus du marché je lui ai parlé de séances régulières de véritable adoration devant mon élégance si peu commune.

Inutile de dire non seulement que mon mari est un homme de parole, mais aussi que l'emplacement de ce bijoux est devenu un lieu de culte pour ses yeux et pour sa langue et un lieu de pèlerinage pour son attribut viril quand il s'agit de récompenser son obéissance et ses bonnes manières.

La confession partie de bonne allure je m'attendais enfin à des confidences détaillés sur ce que j'avais trouvé dans sa poche. Mais hélas pas un seul mot sur son pêché que l'on dit mortel, la gourmandise. Et à la place - comme s'il essayait de se moquer de moi - une luxurieuse fantaisie d'examen médical par une de mes amies qui est gynécologue. Rien donc pour apaiser ma colère.

Lassée de cette comédie et pour lui montrer le bon chemin, je l'ai fait alors monter sur la balance. Et là, il a craqué en m'avouant une terrible addiction au Haribo et plus particulièrement à la variété Polka.

J'ai aussitôt pris des mesures adéquates :

Georges-Henry va me chercher mes gants en latex et le pot de vaseline. Nous allons procéder à une purge salutaire pour ta santé.

Oh comme il sait se montrer réticent envers la médecine naturelle. Je comprend parfaitement l'aspect gênant de ce procédé, notamment pour un homme, mais il a dû prendre l'habitude de se plier littéralement à mes exigences. Il y a droit essentiellement quand je le sens de mauvaise humeur parce qu'on attend la visite de ma mère. Comportement qui m'irrite et qui se soigne parfaitement par un simple ou double emploi de l'eau glycérinée sans nécessiter le martinet. Et voila un Georges-Henry débarrassé d'une terrible pression... psychologique et ainsi toujours souriant devant sa belle mère. Elle pour sa part n'est pas avare de compliments et me félicite pour ses bonnes manières pendant qu'il nous porte le gâteaux et nous sert le café. Un bijoux cet homme...

...mais malheureusement pas ce jour-là !

Quand j'ai vu à quelle allure mon cher et tendre est revenu avec mes gants, j'ai commencé à me poser des questions. Et en observant son petit sourire en coin, le pot de vaseline en main, je m’attendais à une surprise de taille. Et effectivement, une fois dans la salle de bain je me suis trouvée devant un odieux acte de sabotage concernant notre matériel de lavement.

C'est à coup de martinet sur ses fesses que Georges-Henry a du rejoindre l'accoudoir du fauteuil sur lequel il a l'habitude de se pencher quand nous travaillons sur sa discipline. Un fauteuil soigneusement choisi au début de notre mariage par Monsieur, destiné à être le trône de son futur royaume du machisme. Sans compter toutefois sur mon caractère bien trempé. Alors ce trône est devenu vite le symbole de son déshonneur où il paye ses inconvenances. Et à lui de me faire une proposition pour se racheter.

Ayant un faible pour les maths, il se perds souvent dans des comptes les plus complexes. Tandis que moi j'ai plus tendance d'aller au feeling en observant la couleur des ses fesses et aussi en tâtant leur température.

J'aime beaucoup les coups de soleil sur la lune qui mettent longtemps pour s'éclipser.

Temps fort utile que George-Henry aime occuper pour atteindre son quota de participation au ménage. Enfin je lui suggère ce que j'attends et lui fraîchement puni s'applique sans discuter.

Ce jour-là son système de calcul s’avéra particulièrement astucieux. Un coup de martinet par tranche de cent grammes de prise de poids. Voila de quoi – rien qu'à l'idée - pour me donner mal au bras. De plus un rituel compliqué , commençant par une claque par fesse et montant en nombre à chaque changement de côté. Et patati et patata. Moi, j'en avais vite marre de le voir essayer de gagner du temps précieux. 


J'ai compris, il y a déjà pas mal de temps que je suis au fond plus perverse que sadique. Alors avec moi la douleur vient en secours pour souligner mes autres actions éducatives. Mais quand j'administre une fessée c'est pour que l'on se souvienne.

Exaspérée par la mauvaise fois, j'ai alors posé le martinet et je suis allée chercher la canne que j'ai présentée devant un pale Georges-Henry. Instrument quelque peu rustre et peu glamour, mais d'une efficacité redoutable. Douze coups, enfin je crois, j'étais vraiment en colère, et voilà un beau spécimen de mâle, bientôt en rûte par les effets secondaires de sa correction, paré de superbes stries pour attiser le désir de sa femelle. Et comme je suis convaincue que l'alliance entre sévérité et tendresse livre les meilleurs résultats sur le grands garçons en manque de bonnes manières, je ne suis pas contre une troisième mi-temps le soir, pour reprendre l'ancien vocabulaire de mon mari.

En attendant et pendant que Georges-Henry prend un bain de siège dans de l'eau froide, je profite pour ainsi finir cette histoire.

9 commentaires:

  1. Un curieux désir.
    J'ai l'impression, le sentiment, Bien Chère Isa, que Jean Racine aurait aimé lire votre blog. Jugez-en par vous même, il fait dire à Néron (Britannicus II, 2) :
    "Excité d'un désir curieux (...) J'idolâtre Junie (...)
    Belle, sans ornements, dans le simple appareil
    D'une beauté qu'on vient d'arracher au sommeil.
    (...) C'est là que, solitaire,
    De son image en vain j'ai voulu me distraire,
    Trop présente à mes yeux je croyais lui parler,
    J'aimais jusqu'à ses pleurs que je faisais couler."
    Un désir naissant de la peine infligée, voire moralement partagée, on se croirait au coeur de ce qui est débattu ici, autour de la fessée, hors subornation et subordination, dans un discours amoureux domestique revendiquant, lui aussi, une part de musique qui alterne consonances et dissonances.
    Il n'est peut-être pas inutile de rappeler qu'au terme de la première décennie de pouvoir personnel de Louis XIV (en 1669), Racine oppose le pouvoir de la passion à la passion du pouvoir; dans le cas de Néron, le désir de celui-ci l'emporte résolument sur son ambition politique.
    Quand on joint auteur et autorité, on arrive à "auction" ou garant, warrant; l'auctor latin est celui ou celle qui augmente la confiance, un répondant pour enchérir dans une vente à l'encan.
    À propos de Pierre Bourdieu qui ne sait pas rire, qui maltraite, même pas par plaisir! la langue française - son petit livre rouge sur la télévision est proprement ridicule et illisible, mais enfin, on peut trouver des qualités à un sociologue et même prendre de l'intérêt à la lecture d'ouvrages catalogués dans la rubrique des sciences humaines - il répète huit fois! le mot "champ" dans deux phrases successives et donc contigües, sans même parvenir à donner une notion élémentaire de ce terme, au demeurant plutôt courant; courant électrique, étendue limitée, zone, le groupe en tant qu'ensemble structuré, et même, pour faire bon poids, on peut ajouter la poudre d'escampette si utile pour fuir à travers champs … à propos donc de Pierre Bourdieu, j'ai retrouvé sur YouTube (depuis juin 2012), repris d'Arte, son entretien remarquable avec Günther Grass qui date de 1999 et qui dure environ une heure. Il y est question notamment de savoir si l'on reste ou non dans la tradition des Lumières et de l'Aufklärung quand on "ouvre sa gueule", quand on proteste, de préférence en se moquant plutôt qu'en se plaignant et en gémissant. Je répugne à classer et à dresser un bilan au terme d'une rencontre de bonne volonté, mais je dois reconnaître que Grass s'y est montré nettement supérieur à Bourdieu. Il faudrait que je vous dise aussi que je garde rancune et rancoeur aux surréalistes, fabricants de stéréotypes décevants, la plupart d'entre eux ayant renoncé, au profit de ce qui est élaboré, réfléchi et composé, à toute forme de spontanéité authentique, rêves-éveillés et textes automatiques n'ont été que des leurres, la peinture d'André Masson paraît être une rare exception, dans son mode quelque peu halluciné, au fantastique conventionnel bien orchestré, ma déception est à la mesure de la promesse surréaliste: transformer le monde, changer la vie! Breton parlait même de rendre "la beauté convulsive" ou de devoir la défigurer. Michel Carrouges y voit un "triomphe paradoxal du principe de plaisir sur les conditions réelles."
    Parlons encore un peu de sentiments.Je m'amuse d'une anecdote mettant en scène un Emmanuel Kant très âgé et tenant à peine sur ses guiboles. Quand on lui recommandait de ne pas se lever de son fauteuil chaque fois qu'une dame entrait ou sortait du salon, il protestait: Ich habe noch nicht kein Humanitätgefühl verloren. Je n'ai pas encore perdu, assurait-il, tout sentiment d'humanité, rien que ça!

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  2. Cher Jules

    Je ne vous fais pas le discours de la masochiste social qui - bien qu'elle se sente extrêmement flattée – met en avant sa modestie...pour mieux briller à l'ombre. Je n'essaye pas non plus le discours de l'objectivité car « cet étant » qui se nomme ainsi est au bout du compte toujours une émanation d'un être humain pensant donc subjectif. J'ai une approche très simple à mon écriture : Je fais au mieux selon mon temps disponible et je distingue entre ce que je fais et ce que je suis. Malheureusement en reprenant ce que vous dites sur les surréalistes, chez moi aussi (sans vouloir me comparer à eux) il y a beaucoup de réflexion et de composition.

    Alors d'abord un grand merci pour Racine et plus particulièrement pour sa passion du pouvoir et le pouvoir de la passion. C'était un maillon manquant dans ma réflexion. Il me fait mieux comprendre certaines variantes du sadomasochisme.

    Petite réflexion sur Louis XIV qui non seulement aimant la fessée se passionne aussi pour les joies du lavement et la constipation de ses maîtresses. Je me suis souvent posée la question si l’absence des toilette dans ses châteaux est dû à son pouvoir absolu...de ne pas en mettre pour satisfaire un voyeurisme particulier. Le pouvoir absolu au service des pulsions partielles et du sentiment ou plutôt de la réalité de la toute puissance.

    En lisant le nom de Pierre Bourdieu j'ai marqué un temps d’arrêt net. Non seulement la recherche google transforme sans que l'on s’aperçoive Bourdier en Bourdieu, mais idem mon correcteur d'orthographe. Voila de la vraie censure. Notamment quand s'agit d'un article qui traite entre autres la perversion-défi !

    Merci pour vos remarques sur Günther Grass. Je doute de trouver le temps pour regarder l'extrait sur youtube. Système d'instruction ingénieux et de facilité enfantine d'ailleurs, car ma fille depuis presque un an déjà s'amuse à naviguer entre les Barbapapa et Tom et Jerry. Toute seule, je précise.

    Petite remarque inspirée par Kant (mein Humanitätsgefühl au lieu de kein ; petite erreur de frappe ; non ,non pas de jeu de mot avec le sujet de mon blog). Soyez en rassuré, je suis bien apolitique (quand les hommes parlent de politique je trouve mauvais goût au vin), mais j'aime beaucoup l'idée d'un sentiment d'humanité.

    A ce propos je cite  « une controverse actuelle »  en temps de crise :

    Cette même opposition (choses/personnes) se retrouve à un niveau « sérieux » dans la controverse actuelle (mai-juin 1972) Mansholt-Barre dont l'un propose un modèle de décroissance économique fondé sur des valeurs « personnelles » et l'autre un modèle sur la croissance économique fondé sur les valeurs « objectives ».

    (Maurice Benassy : A la recherche d'une définition de l'humour)

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  3. Chère Isabelle,
    Je ne vais pas trop entrer dans ce débat que j'ai un peu de mal à suivre mais, si cela peut vous rassurer, la réflexion et composition, aussi bien dans l'écriture que dans l'art, ne me dérangent nullement, au contraire, c'est ce qui m'intéresse, et je fais assez peu de cas de la spontanéité authentique que j'aurais beaucoup de mal à définir. Je dois avoir l'esprit plus lourd que Jules - c'est peut-être aussi ce qui fait que (sans me prononcer sur l'interview que je n'ai pas vu) j'ai beaucoup d'admiration pour Pierre Bourdieu. et, comble de tout, je trouve que la langue française n'est pas du tout chez lui maltraitée, surtout dans La Distinction ou Esquisse pour une auto-analyse d'une vraie valeur littéraire - dans L'esquisse d'une théorie de la pratique elle est certes un peu sèche et très dense, mais ce n'est pas un reproche, et on est loin du ridicule ou de l'illisible...
    Quant à Racine, ce passage interprété par Roland Barthes est évidemment une référence obligée pour le sadisme (Néron étant attiré par la détresse de Junie) mais je ne vois pas vraiment le passage au masochisme supposé de Junie, et encore moins le passage de cette forme générale de sadisme à la fessée.

    Mais pour revenir à votre texte, j'aime beaucoup, tout adepte de rituels compliqués que je suis!

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  4. Cher Simon

    Merci pour votre intervention. Elle me fait plaisir. Je ne pense pas, déjà, qu'il soit une tare de se servir de la réflexion et de la composition dans les domaine de l'écriture et de l'art. De plus relevant d'un choix personnel, soit cela plaît aux autres, soit cela ne plaît pas, nous sommes dans les opinions sur l'art et la manière de créer. Étant simple amatrice de l'écriture pour moi le fait d'écrire se comprend comme un acte existentialiste dans le sens d'une ouverture aux autres.

    Étant peu (disons même pas du tout qualifiée) de me prononcer sur Racine, Barthes et Bourdieu merci pour votre point de vu. Vraiment intéressant votre remarque sur Junie. J'aime beaucoup quand on m'explique. Heureusement car je manque du temps pour faire des plus amples recherches à ce sujet.

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  5. La lecture de votre billet a inspiré mon épouse, qui m'a annoncé le programme pour ce soir. Le souci de discrétion vis-à-vis des enfants l'empêche de me donner la fessée, mais elle prépare l'équipement purgatif et a laissé sur le lit son harnais pour la pénétration qui va suivre.

    J'ai l'appréhension et la honte usuelles.

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  6. ...et elle m'a demandé de vous dire à quel point elle est contente de cette petite séance.

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  7. Alors là je me sens vraiment flattée, cher Pecan. Inspirer par mes petits billets des activités récréatives en couple. Vous avez bien raison de profiter de la vie à deux.

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  8. C'est-à-dire que ce sont des activités que nous avions déjà (pas très fréquemment), mais la lecture de votre billet lui a rappelé que cela faisait longtemps et que j'en avais probablement besoin. C'est un peu l'idée d'un entretien régulier, qui remet les idées en place.

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  9. J'aime beaucoup l'expression de "remettre les idées en place". Et encore plus, comme vous, de le faire concrètement.

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