Monsieur
a horreur des poils sur moi.
Selon
ses dires cela lui coupe toutes ses envies. Là, il abuse peut-être
un peu. Mais dans le principe, je suis d'accord avec lui. Moi non
plus je n’aime pas les poils sur moi. Puis un jour nous avons
décidé de résoudre cette délicate affaire par le définitif. Et
suis éternellement reconnaissante de ce magnifique cadeau que m'a
offert mon chéri.
Par
contre au début de notre vie commune les poils de mon homme ne me
gênaient pas du tout. Cela faisait partie pour moi du mythe du mâle
et je ne me lassais pas de les toucher et de m’amuser avec. J'avais
en quelque sorte remplacé l'ours en peluche de mon enfance par un
homme en chair et en os.
Puis
avec l’intégration sociale de l’épilation chez les hommes mon
goût a changé. Aujourd’hui je ne supporte plus le moindre poil
sous son caleçon et je l’épile régulièrement à la cire,
l’entrejambe et fesses y compris. Il n’était pas très enchanté
de ma demande.
Il
est très pudique mon chéri ! Comme c'est mignon.
Pour
mieux le convaincre je me transforme régulièrement en provocante
esthéticienne qui propose une gamme de soins très particuliers
auquel Monsieur ne peut résister. Et ce rituel embellit notre vie de
couple.
Je
connais pas mal de personnes de la génération de mon homme et je
me souviens que l'épilation intégrale leur posait encore en 1998,
l'année dont date cette anecdote des problèmes existentialistes. Je
me suis rendue compte de « l’importance
des poils »
lors d'une soirée à la maison avec des bons amis et amies de
Monsieur.
J’avais
pris l’habitude de me raser tous les matins intégralement pour
être douce à souhait dès le petit déjeuner. Puis selon notre
règlement de maison un non respect de cette « consigne »
constituait une faute grave. Je m’appliquai donc sagement et le
rituel de contrôle me fit découvrir le frisson de vivre avec un
homme qui s’intéresse à moi. De la tête aux pieds et dans
le moindre recoin. Situation dont je suis demandeuse et qui me
comble.
Je
me rasai assise sur le bidet et le matériel avait sa place fixe sur
le rebord, tandis que celui de Monsieur pour sa barbe était toujours
bien rangé.
Puis
revint de la salle de bain une amie de Monsieur en lui posant la
question qui tue :
Tu
t' rases sur le bidet ?
Non,
c’est isabelle !
Il
est vrai qu’une salle de bains me ressemble et déborde de mes
produits. Mon homme se sent un peu comme un intrus et s’efface en
rangeant soigneusement ses affaires.
Tu
t' fais pas les jambes à la cire, isabelle ?
Et
avant que je puisse répondre, Monsieur s’en chargea pour moi avec
une telle fierté dans sa voix comme on la trouve seulement chez
certains grands garçons, éperdument amoureux de leur dame :
Isabelle
est rasée de partout.
Paf !
Stupéfaction, consternation et... méfiance de se faire berner par
une blague. La remarque a procuré dans notre petit cercle une vague
de visages intrigués qui aurait valu une photo. Un mélange
d’expressions entre farouche désapprobation et curiosité poussée.
Ce
jour-là j’ai compris la tragédie de la génération de ceux et
celles qui étaient enfants ou ados au moment de la libération
sexuelle. Je ne veux pas généraliser. Je me limite donc à ma
petite expérience. Les amis et amies de mon homme ne sont peut-être
pas représentatifs. Ce sont des agréables personnes d’un bon
milieu socioculturel.
Changer
souvent le partenaire ne leur pose pas le moindre problème. Faire
guili-guili en groupe c’est une banalité. Mais tout ceci dans un
contexte extrêmement réglementé qui grouille d’interdits et
restrictions. Une sorte de passe temps se limitant à la spéléologie
de cavernes plus ou moins étroites et au crac- crac boum-boum. Par
contre rien de ce que je considère personnellement comme
raffinement. Se privant d’une multitude de sensations (en parlant
d'effet peau lisse par exemple).
De
plus que j'affectionne la tête haute les porte-jarretelles et bas
suffisait pour les épater.
Je
ne pourrais pas mettre des trucs comme toi !
Cela
a un nom, ces trucs. Pour faire l’andouille qui fait semblant de ne
le pas connaître, il faut un traumatisme de taille. Je
n’extrapolerai pas ici sur les conséquences de l’arrivé de
l’unisexe. En voulant libérer les femmes de leur statut d’objet,
le concept s'était confondu avec l'identité sexuelle et avait ainsi
créé des sacres inhibitions.
J’ai
honte d’imaginer une femme en sous-vêtements sexy !
Une
« femme rasée » me fait beaucoup fantasmer, mais je le
ne demanderais jamais à la mienne. C’est contraire à mes
convictions !
J’en
ai entendu d'innombrables phrases de ce style, car j’ai toujours eu
un faible pour les hommes de cette génération. Et toute jeune déjà
j’ai pris beaucoup de plaisir à les « pervertir ».
J’ai
vécu ainsi la fessée
libératrice qui
transforme certains Messieurs angoissés devant les femmes modernes
en amant d’exception car par ce petit jeu ils semblent prendre à
nouveau confiance en eux. Je vu le bonheur dans les yeux à la vu de
ma nudité intime et la joie de me découvrir avec de la dentelle et des rubans qui font Tschak quand on les tire, puis les relâche.
Suis-je
pour autant une poupée écervelée, une femme objet au service des
instinct masculins ?
Des
telles reprochent me laissent indifférente. Ceux et celles qui me
critiquent semblent oublier que j’y trouve mon compte. Un homme
désinhibé est un amant d’exception. Sa sexualité pleinement
satisfaite, il devient encore plus performant dans ses entreprises en
se faisant encore plus confiance. Il s’épanouit à vu d’œil et
se montre en compagnon fort agréable, capable de vivre une relation
de couple sans guerre à cause d'une différence entre jambes.
Puis,
pour revenir à l’épilation intégrale, comme dit Monsieur :
Une
fille épilée est tellement appétissante.
Merci pour ce texte, Isabelle! Comme mon "regard" (sans mauvais jeu de mots) est très extérieur, puisque je suis un garçon, je ne me rendais pas du tout compte du poids de ce genre d'interdits. D'ailleurs, je ne vois pas en quoi avoir des idées féministes (et je me suis déjà retrouvé à convaincre ma mère que la lutte contre le patriarcat était le front le plus actif et le plus urgent de l'action politique dans notre pays d'origine!) interdiraient à une femme de se raser?
RépondreSupprimerMon épilation (qui a déjà fait rire certains...) était dans le goût de Constance, mais elle m'assurait que mes poils ne la dérangeaient pas... Jusqu'à ce que, sentant bien que cela lui ferait plaisir, j'ai essayé, d'ailleurs à ma satisfaction esthétique. L'épilation a été adoptée - et ne me pose pas de problème métaphysique. Bien sûr, comme je suis plus souvent puni que punisseur, ma "virilité" au sens des vieux clichés moustachus à la mâchoire carrée s'est déjà pris quelques coups. Ce qui ne me gêne pas non plus: j'ai plutôt l'impression de donner dans l'unisexe. A moins que je sois en train de louper une distinction entre "androgyne" et "unisex"?
Vous faites allusion dans votre commentaire au féminisme dit de la deuxième génération. Je rappelle la première génération se bat pour le droit de la femme d'agir socialement avec les mêmes droit qu'un homme, l'égalité sociale en gros. La deuxième génération s'attaque aux éléments patriarcales dans le couple, égalité des sexes en gros. Jusque là, rien à critiquer et vivement que cela se fasse.
SupprimerRegardons maintenant la morale inhérente à la structure patriarcale dans laquelle existe des choses qu'on ne demande pas à sa femme pour des raisons de respectabilité. Une femme épilée est perçue alors comme une femme à mœurs légères.
L'arrivé du féminisme de la deuxième génération semble à mes yeux transformer cette morale en une autre : Sous prétexte d'égalité on ne demande pas des choses « dégradantes » à sa femme. Une femme épilée est perçue comme une femme objet au plaisir de l'homme.
Voila la pensée il y a une 15 aine d'années encore. Je me souviens à quel point j'étais critiquée, puis depuis quelques années celles qui me critiquaient son aussi lisses que moi. Allez comprendre...
Je prends (encore un truc à réfléchir ! Rire) bonne note de votre conclusion. La question me paraît fort intéressante.